Communauté Avatar de James Cameron, avec Forum Avatar pour Fan

La récolte du fluide de Flaska Reclinata est une affaire sérieuse. Le nez collé à deux centimètres de son ouvrage, Grise louchait pour ne pas perdre une seule goutte du précieux liquide qu'elle recueillait dans une outre en cuir de fauve. Il lui servirait plus tard à créer une puissante décoction qui pouvaient soigner la fièvre d'un enfant malade... ou bien, à un différent dosage, l'achever rapidement. S'approcher de la plante était déjà un véritable exploit, et le coeur de la na'vi battait fort dans sa poitrine. Elle avait étudié le cycle de ces plantes et avait suffisamment surveillé celle-ci pour savoir qu'elle ne cracherait pas son venin avant au moins un cycle, cependant elle soupçonnait sa pote Flaska d'être plus vicieuse que ça...

- ... et c'est comme ça que Ni'awtu a réussi à lui échapper ! Mais pas pour longtemps tu sais. Parce que Ni'awtu laisse des traces, comme tous les êtres vivants non-éthérés ! Hi hi hi ! Allez tiens encore quelques minutes, Ni'awtu a juste besoin de percer deux ou trois graines de plus et elle aura assez de sève pour remplir son aquarium ! Hi hi hi ! Son aquarium ! Quelle bonne blague... Les pauvres poissons... Oui parce que Ni'awtu a des poissons tu sais, ils sont carnivores, et ils ont un grand appétit, ohlalala... Il faut toujours que Ni'awtu aille leur chercher...

Elle s'interrompit brusquement, malmenant au passage l'un des bulbes qui se mit à bouillir furieusement. L'oreille tendue, elle tourna la tête en se redressant. Du coin de l'oeil elle avait accroché une silhouette de na'vi qui marchait entre les plantes en se dirigeant vers elle. Agacée, elle replia rapidement ses affaires. Il lui manquait la moitié de ce qu'il lui fallait, mais tant pis, elle n'aimait pas travailler sous le regard d'un curieux quand elle avait le choix. Du bout des lèvres, elle continua de s'adresser à Flaska.

-En voilà un qui s'est égaré. Il ne sait sans doute pas que c'est dangereux comme coin. Ni'awtu est d'avis qu'il finira grillé comme une cuisse de prolemuris ! Hi hi hi !

Ce jour-là, N'Eloa avait quitté la base avec la ferme intention de partir pour de bon. Elle s'était enfoncée dans la forêt, marchant droit devant elle, loin, toujours plus loin sous le couvert des arbres, entourées d'une lumière verte chaleureuse. Et pourtant elle avait froid. Même avec beaucoup de volonté, il n'est pas anodin de tourner le dos à sa vie. Plus encore lorsqu'on renie même son peuple.

Et si je ne trouvais pas d'autres na'vis ? Je ne survivrai pas longtemps ici. Et si je trouve un clan, m'accepterait-il ?

Telles étaient ses préoccupations lorsqu'elle s'arrêta pour boire l'eau d'un panopyra. Quand soudain elle perçut un son léger, mais continuel le bruit de l'eau qui goutte, comme d'un robinet mal fermé.

Etrange, il n'a pas plu depuis plusieurs jours, ce ne sont donc pas les arbres qui gouttent...

Un regain d'espoir s'empara d'elle et elle se concentra pour localiser l'endroit d'où lui parvenait le bruit de l'eau, s'étonnant toujours, malgré les quelques 200h de "pilotage" de son avatar, de son acuité sonore. C'est alors qu'elle la vit. Une na'vie était là, s'affairant auprès d'une plante étrange. Une na'vie inconnue de surcroît, N'Eloa en était sûre car sa carnation était bien plus pâle, étrangement plus grise que de coutume.

Se remémorant les formules de politesse na'vies, elle serra les dents et s'approcha, non sans craindre l'accueil qui lui serait réservé.

Bon. Ben visiblement l'inconnu n'avait pas capté le message subliminal que lui avait envoyé Grise puisqu'il continuait de marcher dans sa direction. Cette dernière soupira, s'humidifia les lèvres d'un coup de langue, remit son chignon improbable en équilibre au dessus de sa tête et fit comme si elle n'avait rien vu alors que c'était évident qu'elle s'attendait à ce qu'on lui adresse la parole. Elle regarda en l'air, renifla, changea de sujet de concentration, cligna des yeux, inversa son pied d'équilibre puis soupira encore. L'autre ne se décidait pas à parler, et pourtant elle était juste à coté !

- Ah ! Un timide ! Il fallait que ce soit un timide qui vienne déranger Ni'awtu en pleine récolte ! Alors pas de sève magique et pas de conversation ! Ah mais ça ne va pas, ça ne va pas du tout monsieur !

Elle se plia en deux pour ramasser ses affaires et risqua plus ou moins discrètement un regard en arrière. Se rendant compte de sa méprise, elle se releva brusquement et se mit à rire.

- Hi hi hi ! Pas monsieur, mademoiselle ! Excusez Ni'awtu autant de fois que Flaska a de pustules ! ... Cela dit sans te vexer, jolie belle ! Hi hi hi !

Ce faisant elle tapota négligemment le bulbe furax de tout à l'heure comme pour se faire pardonner.

- Allons allons, il faut partir d'ici ! Ca n'est pas qu'elles sont méchantes ces bestioles mais Ni'awtu n'est jamais sûre qu'elles ne lui cracheront pas sur les pieds quand elle ne regarde pas ! Hi hi ! Et Ni'awtu a besoin de ses pieds pour marcher, comme tout le monde !

Elle passa devant l'inconnue qui l'avait interrompue et s'enfonça dans la jungle tout en continuant de parler sans se retourner, comme si elle était sûre d'être suivie. D'ailleurs, pouvait-il en être autrement ?

- Faudrait faire gaffe où vous mettez les vôtres d'ailleurs ! Ni'awtu a des potions pour les brûlures, mais pas pour faire repousser ce qui manque, ça non ! Hi hi hi !

Elles étaient assez éloignées de la zone dangereuse désormais. Grise changea son paquetage d'épaule et puis s'arrêta sans crier gare afin de se retourner pour faire face à la na'vi qui la suivait, vraisemblablement.

- D'ailleurs, qui êtes-vous ? Vous êtes aussi de ce nouveau clan, ça c'est sûr, ça se voit à vos oreilles ! Ils ont proposé plusieurs fois à Ni'awtu de les rejoindre ! Ils doivent aimer ses potions ! Hi hi hi !

Jusqu'à présent, N'Eloa s'était toujours targuée d'avoir une capacité d'adaptation remarquable, mais il faut bien avouer que cette fois, ce n'était pas le cas. Elle n'avait pour ainsi dire rien compris aux élucubrations de la na'vie qui continuait de lui parler à une vitesse folle, les mots coulant de sa bouche comme l'eau d'un torrent.
Ca commençait bien, d'autant que le peu qu'elle avait compris ressemblait à d'étranges menaces concernant ses pieds... Tant pis, son mot d'ordre n'était-il pas "advienne que pourra" ?!

Intérieurement : Alors, comment dit-on déjà... « Je te vois » mais... Bon, tant pis, on va essayer ça.
Oel nga kame ma tsmuke! (Montrant la paume de ses mains) Vois, je viens en paix.

La na'vie tiqua quand N'Eloa essaya sa formule de politesse improvisée. Cette dernière rassembla les dernières miettes de confiance qu'elle avait en elle, et continua tout de même.

Je m'appelle N'Eloa, j'ai quitté mon clan, les Uniltìrantokx (Marcheur de rêves). J'erre dans la forêt depuis l'aube. Je ne sais même pas si vous comprenez ma langue, mais je l'espère. Qui êtes-vous ? De quel clan, êtes-vous ?

Il sembla à N'Eloa que tout ce bavardage fatiguait la na'vie. Celle-ci regardait partout autour d'elle mais ne daignait pas vouloir regarder N'Eloa, se balançant d'un pied sur l'autre, elle triturait sa kxetse d'un air blasé. Soudain, elle éclata de rire.

Hi hi hi, comment vous dîtes ? « Oel nga kame » ? Mais ça ne veut rien dire! Hi hi hi. On dirait un petit enfant qui parle ! Ni'awtu va devoir apprendre à « drôles d'oreilles » comment on dit !

N'Eloa était soulagée. La na'vie semblait l'avoir accepté. Elle poussa un peu plus sa chance et demanda :

N'Eloa : M'apprendrez-vous alors à devenir une véritable na'vie ?
Ni'awtu : Ni'awtu a dit « apprendre à saluer ». Pas devenir na'vie. Pas le temps ! Ni'awtu toujours très occupée ! De toute façon, les marcheurs de rêve ne voient rien. Ce sont des skxawng ! Hi hi hi !

La na'vie continua de jacassser tout en mettant de l'ordre dans ses affaires. Elle faisait de grands gestes exagérés, et semblait prendre un malin plaisir à montrer ses canines aiguisées à son interlocutrice.

- Devenir une na'vie, rien que ça ! N'Eloa est ambitieuse hi hi hi !

Elle tourna sur elle-même pour ajuster le sac qu'elle portait enroulé autour des hanches. Les petites fioles cliquetèrent doucement, faisant écho au bourdonnement des insectes.

- De toute façon, Ni'awtu n'est pas une vraie na'vie ! N'Eloa ne voudrait pas devenir comme Ni'awtu, ça non ! Hi hi hi ! Une deuxième Ni'awtu, ça serait drôle !

Plus sérieuse, elle se hissa sur la pointe des pieds pour être à la même hauteur que l'avatar car elle était légèrement plus petite. Ni'awtu était toujours légèrement plus petite que tout le monde... Mais elle prenait plus de place dans la conversation, ça compensait.

- Devenir un na'vi c'est accepter d'être commandé par tout le monde. Ni'awtu n'aime pas ça, alors Ni'awtu n'est pas une na'vie. Ni'awtu peut cependant apprendre à N'Eloa comment saluer correctement, ça oui ! C'est facile en fait, il faut seulement ne pas avoir peur du ridicule hi hi hi ! "Kaltxì ma tsmuktu" c'est comme ça qu'ils disent. Si vous en voyez un, il faudra lui dire ça !

Eh oui, ça ne pouvait être aussi simple. Et puis, la na'vie avait raison, semblait-il, elle était trop étrange pour servir de mentor à N'Eloa. Elle faisait un peu penser à ces personnages de sorcière ou de chaman qu'on pouvait rencontrer dans les histoires sur Terre : un personnage un peu à part, souvent seul et dans son monde. Rien de péjoratif là-dedans, mais de fait, N'Eloa n'allait pas s'imposer à quelqu'un qui préférait la solitude.

-Merci. Je vais reprendre ma route, Ni'awtu. Merci de ton conseil. Laisse-moi à mon tour t'en donner un : ne t'approches pas du prochain banshee du paradis, ou awaiei dans ta langue, que tu verras. J'ai enterré quelques affaires personnelles à ses pieds, et je crois que ça ne lui plaît pas vraiment, il risque de battre des records dans le lancer d'épines empoisonnées si quelqu'un l'approche à nouveau...

En disant cela, N'Eloa prit conscience de ce qu'elle avait enterré : son matériel à dessin et quelques photos de son ancienne vie sur la Terre. Un trésor à ses yeux, mais sur Pandora, pour affronter le futur il faut oublier le passé. Elle laissa la nostalgie couler sur elle pendant un court instant avant de se reprendre. Elle se tourna vers la na'vie à la peau grise qui la regardait avec curiosité et ostentation (oui, plus elle la regardait, plus cette « Ni'awtu » lui paraissait étrange..) et ajouta :

-Eywa ngahu ! Un jour viendra peut-être où je pourrais t'appeler « soeur ». Je m'en vais rejoindre ceux qui « commandent ».

Se retournant avec une lenteur délibérée au cas où la na'vie la retiendrait, N'Eloa s'enfonça dans les fourrés. Elle rencontra là un prolemuris curieux qui semblait avoir suivit tout l'échange entre Ni'awtu et elle, mais qui ne broncha pas tandis qu'elle approchait. Au contraire, il semblait même lui faire la fête! Il lui rappelait Assur, le chien qu'elle avait eu sur Terre, qui lui faisait la fête quand elle rentrait du travail...